Un auteur, dès lors que ses écrits sont publiés par un éditeur, se fait payer en droits d’auteurs. Est-ce si évident que ça ? Le contrat d’édition signé par l’auteur et l’éditeur constitue une condition de validité de la cession des droits. Le domaine d’exploitation des droits cédés doit être limité quant à son étendue, à sa destination, au lieu et à la durée de l’exploitation. Il concerne le droit de reproduction et d’adaptation graphique, le droit de traduction, le droit de reproduction, d’adaptation et de traduction sur des supports autres que graphiques et le droit de représentation. Le contrat prévoit une rémunération en contrepartie de la cession des droits. Le principe est celui de la rémunération proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation (pourcentage fixé de gré à gré, l’assiette étant le prix de vente public HT de l’œuvre). La coutume veut que le pourcentage revenant à l’auteur oscille entre 6 et 12%, allant même jusqu’à 17%.
On peut déjà se demander quelle a été l’origine de cette coutume ? Qui en a fixé les lois ? L’invention de l’imprimerie en Europe marque une date décisive en ce qu’elle a transformé radicalement les conditions de diffusion des œuvres imprimées. Les dirigeants séculiers et le clergé, tant en Angleterre que sur le continent européen, ont vite reconnu la presse à imprimer comme un puissant instrument de pouvoir social et commencé à accorder des privilèges à certains imprimeurs afin de contrôler la distribution des œuvres imprimées. De la fin du XVe siècle au début du XVIIIe, l’histoire de l’imprimerie a été marquée par la publication de divers décrets et ordonnances royaux qui peuvent être considérés comme les précurseurs des lois sur le droit d’auteur d’aujourd’hui. Dans l’Angleterre du XVIIIe siècle, sous l’influence du philosophe John Locke et d’autres, la notion d’individualisme a vu le jour et le système parlementaire a remplacé la monarchie absolue. Au cours de cette période de mutation, libraires et imprimeurs ont commencé à réclamer une forme de protection du droit d’auteur, invoquant la théorie de la propriété intellectuelle. Le 10 avril 1710 fut adoptée une loi connue sous le nom de Loi de la reine Anne. C’était la première loi sur le droit d’auteur au sens moderne du terme, puisqu’elle reconnaissait pour la première fois l’existence d’un droit individuel des auteurs à une protection, quoique seulement en ce qui concernait leurs livres.
De nouvelles étapes importantes de l’évolution du droit d’auteur furent franchies en France à la fin du XVIIIe siècle. Inspirés par les idéaux révolutionnaires, les décrets de 1791 et 1793 instituèrent le concept de propriété littéraire. Dans le même temps fut consacrée la notion de domaine public, et ainsi deux principes fondamentaux du droit d’auteur moderne étaient établis. L’exemple français fut bientôt suivi par d’autres pays et dès le milieu du XIXe siècle, de nombreux États, dont certains États d’Amérique latine, avaient déjà adopté des lois nationales sur le droit d’auteur. (pour plus d’infos, voir le fascicule de l’Unesco : « l’ABC du droit d’auteur » )
Aujourd’hui, il est possible de jouir des créations de l’esprit en tout lieu et à tout moment, et elles ne sont clairement pas enfermées dans les frontières d’un pays. Pourtant, aucune loi nationale sur le droit d’auteur n’a d’effet hors de son territoire (la « règle de la territorialité »).En principe, chaque pays est libre de concevoir ses lois sur le droit d’auteur et les droits voisins selon ses propres besoins, objectifs et traditions juridiques. Par exemple, aux Etats-Unis, le droit moral n’est pas reconnu comme une composante du copyright. En effet, lors de leur adhésion à la Convention de Berne en 1988, les Etats-Unis ont formulé une réserve en ce sens.
Ainsi, les exceptions nationales sont légions. En France, par exemple, selon l’article L 131-4 du Code de la Propriété Intellectuelle, la rémunération forfaitaire est autorisée dans certaines hypothèses, notamment en cas d’impossibilité d’appliquer une rémunération proportionnelle en raison des conditions d’exploitation de l’œuvre. Dans le cas d’ouvrages encyclopédiques, de littérature de commande, populaire ou bon marché, de traductions, de présentations et d’annotations, d’illustrations d’ouvrages, de préfaces, etc, l’auteur peut faire l’objet d’une rémunération forfaitaire. Dans le cas d’illustrations d’ouvrages, par exemple, on peut raisonnablement se demander si la rémunération forfaitaire ne vaut pas mieux que l’habituel partage de droits d’auteurs entre l’écrivain (30%) et l’illustrateur (70%).
Pour le prestataire de service qu’est le nègre littéraire, la rémunération forfaite semble déjà plus légitime. Sa rémunération, selon Marc Autret, est de 10 à 30 euros la page, plus un pourcentage, gardé secret, sur le bénéfice des ventes. Quand il n’y a pas de pourcentage, les honoraires sont de l’ordre de 75 à 100 euros la page (voir source).Une autre méthode consiste en une rémunération aux mots – un livre typique comptant environ 50 000 mots. Par exemples, les écrivains fantômes de « Ghostwriters Ink » demandent entre 12 000 et 28 000 pounds ( 8 000 à 19 000 euros) pour écrire un livre sans pourcentage sur les ventes, et les écrivains fantômes de « SEO Writer » demandent entre 10 000 et 12 000 pounds (7500 à 9000 euros) pour écrire un livre, encore sans pourcentage sur les ventes.Le métier de nègre littéraire est un métier à part entière, tributaire d’une offre existante sur le marché. La loi précise que le droit d’auteur est applicable sur la création d’une œuvre originale, il est logique que le nègre littéraire en soit exempt et ai droit à une rémunération forfaitaire. De plus, le nègre littéraire est un prestataire de services, et non soumis à un contrat d’édition.
Mais des exemples hors normes, liés par un contrat d’édition, justifient une rémunération forfaitaire. Pierre Assouline, dans son livre « Gaston Gallimard, un demi-siècle d’édition française », en rapporte une anecdote :« C’est ainsi qu’Antonin Artaud publie deux reportages en 1932, entre deux cures de désintoxication : l’un sur la Chine, l’autre sur les Galapagos […] [mais] il n’y a pas mis les pieds : ses reportages, ce sont des voyages autour de sa chambre et de sa bibliothèque. Alors le troisième article d’Artaud, [Gaston] le paie mais le laisse au fond du tiroir. Car Gaston doit tout faire pour être agréable à ses auteurs et si besoin est leur procurer indirectement une aide financière ; d’autant qu’Artaud est sollicité : Robert Denoël tente de se l’attacher en lui procurant des traductions, des préfaces et en l’éditant même. […]. C’est aussi en cela qu’un éditeur est tenu pour un banquier et un commissionnaire par les écrivains qu’il publie ».
Comme quoi, la rémunération des auteurs est une affaire de tradition, mais ses contours restent flous. Notamment en ce qui concerne les cotisations sociales, que la création de l’Agessa, gérant la sécurité sociale des auteurs, vient combler en partie. Cela permet de mettre en relief des problématiques sous-jacentes à leurs activités : l’activité d’écrire est-elle une activité contribuant au bon fonctionnement du social ? Si oui, doit-elle être assujettie au même régime que la sécurité sociale de tout un chacun ? Quid de l’âge légal ou l’auteur peut avoir une retraite ? A situation différente, enjeux différents. Ce sera au prochain billet d’explorer cette voie.
(source : http://blog.sanspapier.com/la-remuneration-des-auteurs-histoire-abregee-premiere-partie/)
Laisser un commentaire