« Si [Kadath] était dans nos Contrées du Rêve, il devait être possible de l’atteindre ; alors que, depuis le commencement des temps, seules trois âmes totalement humaines avaient réussi à traverser, aller et retour, les gouffres noirs et impies qui mènent aux Contrées du Rêve des autres mondes. Or de ces trois âmes, deux étaient revenues complètement folles » (La quête onirique de Kadath l’inconnu, 1939, Howard Philips Lovecraft).
De l’histoire…
Kadath ne se décrit pas de manière objective et froide, elle se vit, on en parcourt les recoins. Pour commencer, laissez-vous guider par Aliénor la sainte – la très pieuse – éternellement enceinte d’un enfant-dieu. Si, dans le Monde de l’Éveil, son statut de nonne lui faisait reconnaître un seul et unique Dieu, d’amour et de bonté, maintenant qu’elle est à Kadath, elle s’aperçoit de sa tromperie : les dieux sont multiples, changeants, cruels, vantards. On sent l’influence de Nathaniel Hawtorne et de saLettre écarlate. Mélanie Fazi est à la plume.
Mais Kadath est changeante, Kadath s’enrichit de ses nouveaux arrivants qui peuvent parfois bouleverser la donne.
Abd Al-Azard est de ceux-là. L’Arabe fou écrivant le Necronomicon, livre maudit entre tous, sur la peau d’un Hyperboréen chuchoteur. Il va progressivement prendre le contrôle de la ville avec l’aide d’alliés pour le moins inattendus. Laurent Poujois en est l’initiateur secret.
Marmoréenne Kadath – dédale terrifiant – ouvrage sans fin. Qui peut te comprendre, à qui fais-tu perdre la tête ?
À Howard Philips Lovecraft lui-même qui, dans son voyage vers le château d’Onyx, antique demeure de la ville, se confronte à une absurdité et un maléfice des plus kafkaïens. Pour David Camus, l’auteur de la nouvelle, HPL est un avatar de K. dansLe Château de Kafka. A raison?…
Raphaël Granier de Cassagnac, l’Innommé, le voyageur, le vagabond compose à lui seul un récit compilant les trois précédents, et servant de « fil rouge » à leur bonne compréhension.
…A l’univers…
Toutes ces histoires entrent en relation les unes avec les autres. Dans celle-là, on voit apparaître furtivement un personnage qui, dans celle-ci, jouait un rôle essentiel. L’univers résultant de leurs imbrications réciproques se voit magnifié par la magnifique cartographie et les splendides illustrations éthérées de Nicolas Fructus. Les tableaux apparaissent et disparaissent au rythme du temps qui passe dans les Contrées du Rêves. Parfois une bourrasque de vent me surprend alors que je traverse les Plateaux de Lengs, juché sur de Maigres Bêtes de la Nuit qui lancent des cris terrifiants résonnant à travers la tablette numérique et faisant trembler les cieux et Cthulhu lui-même. Julien Simon et Jérémie Giserot en sont les chefs d’orchestre.
A cela se rajoute une quantité d’encarts décrivant avec précision les abords de Kadath, son centre, sa géographie, son histoire, son climat, sa faune, sa flore et la typologie de ses différents habitants. Bref, vous aurez compris, tout a été fait pour donner de la résonance à l’univers lovecraftien, et un ton particulièrement chamarré, mêlant l’horreur au merveilleux.
3….au service du lecteur
Frédéric Weil, directeur général des éditions Mnémos, nous en apprend plus sur l’impact et la valeur ajoutée du numérique sur le côté rôlistique de « Kadath : le guide numérique de l’inconnue » : « Je viens de l’univers du jeu de rôle. J’ai d’ailleurs crée le jeu de rôle « Néphilim » avec les éditions Multisim. Il y a donc une composante qui vient de la culture du jeu de rôle. Quand on a travaillé sur l’expérience proposée au lecteur numérique, on s’est donc inspiré de cela. On s’est souvenu de nos plaisirs de joueur, et on a rendu hommage à la qualité de la création. Alors on a essayé d’implémenter des façons de lire qui s’inspirent du jeu de rôle. Par exemple, dans « Kadath : le guide numérique de la cité inconnue », on rappelle la notion de santé mentale chère à Lovecraft et à son bestiaire. Quand vous lisez un des fragments et que ce fragment contient quelque chose d’horrifique, le texte se floute, il faut alors essayer de tracer le signe des Anciens pour revenir à la raison. Ainsi, nous faisons le pari de proposer une lecture numérique immersive. En effet, nous sommes partis d’un constat simple : le support numérique sur lequel s’effectue la lecture la rend interactive. A partir de là, on expérimente ce que pourrait être une lecture numérique différente qui s’adapte vraiment au support numérique, de forger, de voir si l’on est capable de s’adapter. Ce livre n’est pas du tout pensé comme un jeu, ce qui nous importe c’est que la personne qui lise Kadath soit emportée. Nous voulons provoquer chez le lecteur une émotion forte à la lecture, une sensation de perdition dans le monde onirique qu’il crée. A l’image du type d’émotion transmise par Lovecraft dans ses nouvelles, nous avons cherché à donner au lecteur la sensation de chercher quelque chose qu’il ne peut jamais atteindre. Les illustrations de Nicolas Fructus et l’interface, dans le livre, sont au service de la propagation de cette sensation de perdition. Ainsi, par exemple, l’interface donne du sens et raconte l’histoire. Elle ne se rajoute pas au texte, mais s’insère dans le texte ».
Pour conclure
C’est un véritable ovni auquel nous avons affaire. Si les nouvelles servent l’univers, ce dernier sert de point d’appui, de base aux futurs développements rôlistiques en tout genre. Ceci dit, il est à noter qu’une culture lovecraftienne est nécessaire pour se glisser dans l’univers sans trop de mal. Pour cela, nous ne saurions trop vous conseiller de lire la quête onirique de Kadath l’inconnue, écrit et publié par Lovecraft en 1939, en complément de son guide numérique.
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