Avec la revue « Bifrost » et les multiples dossiers très fouillés sur la littérature de genre qu’on voit sur votre site web ( cf. interview de Pink Floyd, évolution du personnage de Batman, dossiers sur « le trône de Fer », forum web), on sent que vous vous êtes donnés comme objectif de faire l’apologue de la littérature de genre. Pouvez-vous vous nous en dire plus sur la genèse et l’évolution de votre choix éditorial ?
Il y a dans le terme « apologue » une dimension morale qui ne me convient pas vraiment. Nous avons créé la revue Bifrost, au sein des éditions du Bélial’, en avril 1996, tout simplement parce qu’un support comme celui là n’existait pas, ce qui nous semblait préjudiciable aux genres qui nous occupent — et avant tout la science-fiction. Notre ambition était de proposer une anthologie périodique et permanente des littératures de genre, un espace éditorial à la fois décontracté et érudit, potache et précis, exigeant mais pas pédant, dans lequel on retrouverait chaque trimestre, à la fois des fictions inédites aussi bien signées par de jeunes pousses prometteuses que des écrivains « installés », voire clairement classiques. En regard de ces récits inédits, nous avons décliné une grosse partie magazine en deux axes : l’actualité littéraire du genre, et des dossiers complets consacrés soit à des thèmes, soit à des auteurs. Nous sommes restés sur cette double ambition, auteurs et études autour des auteurs, même si la revue a naturellement beaucoup évolué en bientôt dix-sept ans d’existence. Aujourd’hui, Bifrost est une revue littéraire « installée », si tant est qu’il soit possible de parler ainsi pour un tel support éditorial. On a de fait parfois l’impression, dans l’esprit de certains lecteurs, d’être passés du statut de revue mordante et « clanique », pour reprendre l’avis d’un critique du quotidien Le Monde à notre encontre, à quelque chose de peut-être un peu plus « sérieux », un peu plus sage (nous avons par exemple, dans un besoin de changement, abandonné cette année nos « Razzies », les prix du pire qu’une partie de la rédaction décernait tous les ans à la profession, et y compris à nous même). Mais notre ambition reste la même. Nous faire plaisir à travers la littérature que nous aimons et, par extension, faire plaisir à ceux qui nous lisent. Une profession de foi qu’on retrouve naturellement sur notre site, qui sert d’extension à la revue et nous permet de compléter nos dossiers, et d’une manière générale dans tout ce que nous publions, romans, recueils et anthologies… Nous sommes des passeurs, et nous passons avec le plus de conviction possible, le plus d’intransigeance, le plus de bonheur, surtout. C’est en partie pour cela que je refuse de publier davantage de livres. Je veux que le Bélial’ conserve cette dimension artisanale qui est pour mois directement liée à cette idée de plaisir. Nous faisons peu de livres mais nous le faisons aussi bien que possible, et avec une énorme conviction. Tout ce qui ne ressemble pas à un coup de cœur, que ce soit dans la revue ou dans nos livres, n’a rien à faire chez nous. Une telle approche ne me semble envisageable avec honnêteté que sur une petite quantité de titres.
Sur la bibliothèque numérique e-belial, les prix indiqués sont un minimum, mais l’utilisateur est libre de fixer lui-même son prix si il souhaite soutenir l’auteur ou la maison d’édition. Ce choix marketing est à contre-courant de ce qui se fait dans le monde du numérique. Pouvez-vous nous en dire plus sur les raisons qui vous ont conduit à adopter une telle politique de prix ?
Nous avons été le premier éditeur français, à l’été 2010, à proposer notre plateforme de vente de livres numériques — grâce à Clément Bourgoin, qui gère entièrement cet aspect de notre travail au Bélial’. A cette occasion, nous avons essayé beaucoup de choses… De nombreux lecteurs ont alors manifesté leur soutien à nos initiatives numériques, notamment notre position sur l’absence de DRM, et nous ont demandé comment nous soutenir, nous et nos auteurs. Acheter nos livres reste évidemment le meilleur moyen de nous soutenir, mais certains voulaient faire davantage. D’où l’idée de proposer un prix ouvert, avec un minimum arrêté, pour respecter la loi Lang, à laquelle nous sommes très attachés, mais permettant à qui veut de rajouter quelques euros…
Fin 2012, ActuSF, les éditions Mnémos et Les Moutons Electriques se sont associés pour créer « Les Indés de l’Imaginaire ». Qu’est-ce que vous pensez d’une initiative comme celle-là ?
Du bien. Se fédérer entre petites structures me paraît une très bonne idée afin de gagner en visibilité, diminuer certains coûts (notamment celui de la présence en festival), échanger des idées, tout simplement. D’autant que ces trois structures me semblent avoir des lignes éditoriales assez éloignées et donc, plus ou moins complémentaires. Bref, même si j’attends de voir concrètement ce qu’il va découler de cette association, je pense qu’une telle initiative est intéressante.
(source : http://blog.sanspapier.com/les-interviews-du-numerique-olivier-girard-directeur-des-editions-du-belial/)
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